La fin de Chéri, roman de Colette (1926)
La Grande guerre a rendu Fred Pelloux à sa vie d’avant … décoré, entier, mais différent : encore plus sombre.
En fait, Chéri en a sans doute trop souffert mais n’en parle jamais. Il traîne sa nostalgie et sa vacuité comme jadis, en plus profond.
Edmée, sa jeune épouse, a pris la main à la maison. Elle s’est affranchie, à tous les niveaux. Elle travaille dans un hôpital pour soigner les blessés. Elle est courtisée, voire plus, par le médecin-chef. Chéri n'est pas jaloux puis que ce fut un mariage de convenances.
Chéri erre dans les beaux quartiers et puis, irrésistiblement, il rend visite à Léa, qu’il n’a pas revue depuis leur rupture, cinq ans auparavant. Elle a tourné la page, terriblement vieilli, le cheveu dru et gris et grossi. Le choc est rude. Cruelle description des femmes vieillissantes. Extraordinaire style de l’écrivaine, qui n’a pas pris, lui, une ride.
Chéri ne veut plus habiter avec sa femme, supporter ses déjeuners, ses nouvelles relations professionnelles, sa mère qui s’est muée en femme d’affaires … Il se réfugie chez La Copine, une ancienne prostituée, qui le gave d’anecdotes.
Devenu intransigeant, il juge sévèrement les jeunes veuves de guerre qui réclament des maris neufs. Alors que Léa était selon lui sa pire ennemie, celle qui lui pardonnait tout et ne lui passait rien. « Le pire, ce n’est pas son âge à elle, c’est le mien ».
Chez la Copine, il retrouve un mur de photos de Léa, de sa carrière de courtisane d’avant leur liaison. Léa et Chéri, pour lui, c’est le paradis perdu. La seule période de sa vie où il a aimé et était aimé.
Sa lente descente aux enfers s’achève lors d’une absence de la Copine. Chéri ne le supporte pas. Il préfère disparaître.
La fin de Chéri, roman de Colette, publié chez Flammarion, 192 p. 9 €, et dans la collection « Classiques modernes » de la Pochotèque avec les notes de Francine Dugast – 1622 p. 25,20€