Un devoir de grand-mère : transmettre les bons usages
« La politesse n’inspire pas toujours la bonté, l’équité, la complaisance, la gratitude ; elle en donne du moins les apparences et fait paraître l’homme au-dehors comme il devrait être intérieurement. » La Bruyère
Mon bonheur quotidien : préparer les repas que nous partageons en famille, avec des petits-enfants qui ne sont pas les derniers à animer la conversation. On a souvent un peu de mal à les rassembler pour passer à table, mais ensuite, ils débarrassent les couverts sans se faire prier.
Une occasion aussi de transmettre quelques vieux principes de la manière de se comporter à table de façon convenable. Par exemple le point de savoir qu’on ne doit pas couper ni la salade ni les pâtes avec son couteau. J’ai en effet consulté mes vieux grimoires … Quand je tombe sur un manuel des bons usages, si possible ancien, je l’achète : j’aime le côté totalement désuet de ces pratiques qui, même si elles sont largement oubliées, peuvent vous stigmatiser dans certains milieux si vous les ignorez.
La vie moderne, le télétravail, les repas en solo pris sur le pouce, les « in box », les repas livrés à domicile mangés avec les doigts sur le canapé devant la télé … finalement, on n’a plus tellement l’occasion de manger un vrai repas à table. Et on en oublie les codes élémentaires. Depuis 50 ans, tout a changé, c'est la vie !
Lors de notre mariage, nous avons reçu des tas de cadeaux sur notre liste, dont l’essentiel consistait en divers matériels pour « recevoir », donner ou rendre des dîners « mondains ».
Cette pratique a aujourd'hui totalement disparu, en cause, et c’est un bien, les responsabilités professionnelles des femmes qui ont d’autres préoccupations que d’organiser des dîners efficaces pour favoriser la carrière de leur mari.
Pendant la courte période où je ne travaillais pas et habitais en Province, j’avais pour mission d’organiser de telles rencontres. Pour ne pas commettre d’impair, j’avais potassé l’ouvrage du préfet Jacques Gandoin (1920 – 2003), le « Guide du protocole et des usages », toujours édité en Livre de poche aujourd’hui.
Un ouvrage plein d’humour, abondamment illustré et nourri d’une masse de notions pour tous les fonctionnaires de la République devant côtoyer des dirigeants : comment se comporter en société, ce qu’est devenue la noblesse, l’ordre des préséances, la manière de rédiger un courrier officiel … Le tout parfaitement daté mais, à mon grand étonnement aussi, avec des considérations sur la déliquescence des mœurs actuelles (dans l’édition de 1972, voir ci-dessus !).
Pour ce qui concerne la question cruciale (n’est-ce pas ?) de la découpe de la salade, j’ai trouvé une solution dans un autre manuel, celui de la baronne Staffe, édité en 1927 chez Flammarion. En fait, les lames des couteaux étant autrefois en argent, elles étaient ternies par le contact avec la vinaigrette acide.
C’est ainsi qu’on transmet les bonnes manières à la jeune génération … une question de civilisation pas si ridicule qu'il y paraît ... et c’est particulièrement drôle de voir leur étonnement à l’énoncé de ces us et coutumes d’un autre âge.
Guide du Protocole et des Usages, par Jacques Gandoin, préface du duc de Brissac, illustrations de Georges Allary, chez Stock - 492 p.