Le consentement, par Vanessa Springora.
La réalité est pire que la fiction la plus atroce. Ce récit sans fard, bien écrit, d’une spontanéité et d’une objectivité confondantes, m’a remplie d’effroi.
J’avais pourtant un certain scrupule à acheter ce livre, au milieu d’une polémique médiatique d’une aussi grande ampleur. J’aurais eu tort car ce texte relate la mécanique d'un crime inexpiable – même s’il est prescrit – et une indulgence collective de plus de tente ans, non seulement de la part du milieu littéraire mais de toute la classe politique.
Comment accepter – quel que soit le talent d’un auteur dont je connaissais les penchants et que je ne lirai pour rien au monde – qu’un écrivain narre à la première personne, en précisant qu’il s’agit de son journal, ses ébats avec de jeunes adolescentes et des enfants étrangers, publie des lettres très personnelles sans l'autorisation de l'auteur, sans qu’il soit durant tout ce temps jamais poursuivi ? Et que penser de ses éditeurs ?
On évoque naturellement la fameuse controverse de Benvenuto Cellini : doit-on supprimer des livres d’art ses sculptures, mettre au pilon les livres de Lautréamont, brûler les tableaux du Caravage ou de Balthus, les films de Roman Polanski (que j'aime beaucoup ...) Je suis partagée. L’art et la morale ne vont pas de pair.
Sauf que là, il ne s’agit pas de morale mais d’actions pénales : on débat encore aujourd’hui de l’âge légal du consentement à l'acte sexuel, de toutes façons, la jeune V. ne l’avait pas atteint lorsqu’elle a été séduite par G. Toute la question est là.
Séduite par ce bel homme déjà célèbre, V. était amoureuse, elle n’a pas été violée … mais elle a été détruite. L’emprise d’un adulte conscient sur une personne vulnérable est inacceptable. Quel que soit le talent du prédateur et l’acceptation apparente de la victime.
La mise en lumière des agissements dévastateurs des pervers narcissiques est récente – voir les ouvrages de Marie-France Hirigoyen – mais ce livre décrit avec une terrible pertinence le point de vue de la victime, comment un homme se repaît des souffrances de jeunes proies, les poursuit des années durant, continue à les torturer …
L’histoire de l’auteure semble déboucher sur un message d’espoir. Elle a retrouvé l’équilibre de l’amour vrai, la fierté d’être mère, alors que son adolescence lui a été escamotée et sa vie de femme saccagée. Je n’ai qu’un souhait pour elle : qu’elle continue à écrire, car elle est douée !
Le consentement, témoignage de Vanessa Springora, édité chez Grasset – 208 p., 18€