Tu t'appelais Maria Schneider, roman de Vanessa Schneider
C’est une incantation, une conversation à sens unique avec l’au-delà entre une petite fille de bientôt 50 ans et sa cousine plus âgée de 17 ans, aimée, admirée, pleurée … oubliée.
A travers l’évocation de celle qui fut la scandaleuse jeune première d’« Un dernier tango à Paris », Vanessa Schneider exorcise les démons de sa propre enfance dans une famille pas vraiment dans les clous.
Ce film sorti en 1972 - que nous avions vu dès sa sortie - et aussitôt devenu culte – cul-te – où le réalisateur Bernardo Bertolucci met en scène dans une lumière orange l’emprise violente d’un homme sur le retour – Marlon Brando – sur une beauté immature, avec une scène de « viol » qui, selon la principale intéressée, et même si la sodomisation à l'aide de beurre fut simulée, fut pour la jeune femme une totale surprise, a fait le tour du monde.
La douleur de cette escroquerie intellectuelle qui a propulsé Maria - bien trop jeune pour cette célébrité soudaine - au pinacle de la pornographie, n’a jamais cessé et sa carrière s’en est trouvée totalement biaisée.
Et elle n’avait pas besoin de ça pour être déstabilisée. Fille adultérine de l’acteur Daniel Gélin qui ne s’intéresse à elle que lorsque sa beauté irradie mais ne la reconnaîtra jamais juridiquement et la traîne avec lui de boîte de nuit en plateau de cinéma, bientôt en rupture de ban et fuyant ses parents, elle se réfugie chez son oncle paternel, le père de Vanessa (un prénom donné en référence à Vanessa Redgrave dans « Blow Up »), dans une famille d'intellectuels tout à fait atypique.
Michel, le père de Vanessa, est un brillant haut fonctionnaire d’obédience maoïste. Il vit avec sa femme et ses enfants dans une HLM du 13ème arrondissement, au milieu d’une faune de hippies fumant des pétards, où l’on s’habille avec des blouses brodées et de longues jupes bariolées, fabrique des bijoux d’argent tintinnabulants, où l’on emmène les petits à toutes les manifs … C’est là que pousse la jeune Vanessa, une excellente élève qui aura fort à faire, intégrant Sciences Po, pour adopter les codes vestimentaires de la bourgeoisie.
Maria apparaît et disparaît tour à tour, bientôt complètement camée, vivant la nuit, arrivant shootée au studio, ne se voyant proposer que des rôles où elle apparaît dévêtue, ce qu’elle refuse. Elle se détruit peu à peu mais trouve des appuis fidèles et efficaces : Alain Delon, Frédéric Mitterrand, Brigitte Bardot surtout, qui l’aidera jusqu’à la fin.
Vanessa Schneider, à travers ce roman-biographie-autobiographie, exorcise sa propre enfance décalée, magnifiquement surmontée, résiliente, dans un style nerveux et tendre à la fois, plein de notes d’ambiance justes, attendrissantes, aussi réalistes que cruelles. Un témoignage poignant sur les ravages de la drogue et d’une révolution sexuelle qui n’a pas eu que des côtés positifs. Un beau livre …
Tu t’appelais Maria Schneider, roman de Vanessa Schneider, chez Grasset, 250 p., 19€