Eugène Delacroix (1798 - 1863), rétrospective majeure au Louvre
C’est l’exposition qu’il faut aller voir à Paris, la première rétrospective de l’artiste après celle de 1963 pour le centenaire de sa mort (que je n'avais pas vue, naturellement !!!)
En partenariat avec le Metropolitan Museum of Art de New York, le Musée du Louvre retrace l’ensemble de la carrière artistique d’Eugène Delacroix, tout en invitant le visiteur à aller voir aussi – ou découvrir – des toiles qui n’ont pu être déplacées du fait de leurs dimensions.
Cependant, il est vrai aussi que le Louvre possède la plupart des très grands tableaux de l’artiste.
Delacroix présente une personnalité complexe, éprise de gloire et acharnée de travail, curieuse, critique et cultivée, passionnée de littérature et de musique.
A 17 ans, il entre dans l’atelier du peintre d’histoire Pierre Narcisse Guérin où il rencontre Ary Scheffer et Théodore Géricault (de 7 ans son aîné), puis il étudie à l’école des Beaux-Arts.
Son père, préfet à Bordeaux, vient de mourir. Il va tenter un grand coup en exposant au Salon de 1822 une œuvre révolutionnaire : Dante et Virgile aux Enfers. En un seul tableau de grand format (189 x 241 cm), Delacroix devient célèbre à 24 ans, sa toile est achetée par l’Etat.
Dès la première salle de l’exposition, ce sont ces immenses compositions archi-connues, qui vous accueillent : La Liberté guidant le peuple (ceux de ma génération ont encore en mémoire le billet de 100 Francs …), la Grèce sur les ruines de Missolonghi, les Scènes des massacres de Scio (on pense immédiatement à l’actualité dramatique en Syrie). Et aussi une bataille de Nancy où l’on voit le chevalier de Bauzémont transperçant Charles le Téméraire … bien moins célèbre (sauf à Nancy).
Quelle audace, aussi, de mettre en scène le suicide de Sardanapale, décidant de mettre à mort toute sa cour avec lui ...
Durant sa longue carrière, Delacroix a produit mille peintures, 6 à 7000 dessins, 1500 pages de journal, 8 volumes de correspondances. Voir ses carnets est émouvant ...
Il a abordé tous les genres et l’on peut admirer ici aussi bien les grandes toiles que les petits formats : allégories, portraits comme cette fantastique Orpheline au cimetière, scènes de guerre, paysages (la mer à Etretat …), aquarelles, natures mortes et bouquets de fleurs, peintures religieuses, scènes animalières (des lions effrayants, des chevaux fougueux …), nus alanguis, scènes orientalistes, cycles de gravures – en particulier l’illustration de Faust et des œuvres de Shakespeare …
Diversité des sujets et des formats mais unicité du style : la touche, la couleur, la lumière, le mouvement, le tragique …
Célébré par ses amis : Baudelaire, Alexandre Dumas, Chopin, Berlioz, il aura été influencé par Géricault, côtoyé Vernet, Devéria, Delaroche et Scheffer, se sera confronté à Ingres – ses Femmes d’Alger dans leur appartement répondent à la Grande Odalisque de 1819, mais il ne comprendra pas Gustave Courbet (divergences politiques irréconciliables ?)
Car en ce siècle du Romantisme, les peintres se connaissent et interagissent. Une nouvelle génération émerge - paysagistes, réalistes … - alors que Delacroix vient d’être élu à l’Académie des Beaux-Arts à sa huitième tentative, et quitte les « grandes machines » qui ont marqué sa jeunesse, certains des tableaux de la dernière époque ne rencontrent pas le succès comme Marphise et la maîtresse de Pinabel de 1850-52 (en haut à droite), moins convainquant selon moi, effectivement.
A la fin de sa vie, il s’installe place Fürstenberg pour être au plus près de son chantier de l’Eglise Saint Sulpice et son fameux Combat de Jacob avec l’Ange … mais il faut se déplacer pour admirer ce dernier chef d’œuvre …
Un conseil, mieux venir voir cette exposition le matin, et s'armer de patience. Dès le lendemain du vernissage, il y avait déjà foule, et pas celle habituelle de "vieux" amateurs : bien plus de jeunes ... c'est encourageant
Delacroix au musée du Louvre jusqu'au 23 juillet, tous les jours sauf le mardi.