Chez nous, film de Lucas Belvaux
Ce n’est pas seulement un bon film, mais aussi un beau film. Qui parle de la réalité d’aujourd’hui : la désespérance, la colère, l’amour, la manipulation, le mensonge. Avec une constante : la vérité, même si elle est difficile à croire : celle des arguments factices, des horreurs dissimulées, d’un passé qui ne passe pas …
Et puis aussi, on y voit de belles images : la région et ses terrils, la beauté et l'humanité de cette jeune Pauline (Emilie Dequenne), honnête, généreuse et aimante, qui élève seule ses deux enfants, soigne toutes les misères dans les anciens corons comme dans la cité sensible Léo Lagrange, est connue et aimée de tout le monde. Jouant de son aura de notable, le docteur Berthier (André Dussolier), vieux briscard de la droite dure, la convainc de se porter candidate à la prochaine élection municipale, comme tête de liste du « rassemblement » mené par la fille du vieux leader de l’extrême droite, qui sera seconde de liste.
OK, c’est donc un film engagé. Mais c’est surtout une tragédie française, qui fait penser au Cid de Corneille (celui du XVIIème siècle, pas le chanteur !). Car Pauline retrouve son amour d’adolescence, Stéphane (Guillaume Gouix) et tous les deux pensent pouvoir vivre une nouvelle chance. Sauf que d’une part, le père de Pauline, ancien militant communiste, réagit très mal à l’orientation politique soudaine de sa fille (lui, se souvient des luttes), et d’autre part, Stéphane traîne un lourd passé – pas si lointain – de nervi identitaire, et sa présence au côté de la nouvelle candidate risque de nuire à l’image récemment dédiabolisée affichée désormais par le parti de la Présidente (Catherine Jacob). Il est menacé physiquement par le service d’ordre du parti et sommé de disparaître de la vie de Pauline.
C’est hélas une description très réaliste des thèmes classiques de l’extrême-droite, anti-immigration, anti-européen, anti-élite, nationaliste et anti-système. Certes, chacun convient de l’échec des gouvernements successifs contre la désindustrialisation, le chômage, la déroute de l’éducation. Et le discours d’extrême droite, simpliste, prospère parmi des gens sincères, démunis de toute référence historique (les ligues fascistes, Vichy, l’OAS …) et qui pensent que de toute façon, ils n’ont rien perdre. Quant à leur exposer un programme, des projets qui les concernent, il n’en est pas question.
Bref, c’est un film militant, avec un bon scénario, d’excellents acteurs et une réalisation précise, auquel je souhaite un grand succès.