Terre du vent, roman de Michèle Perret
De cet auteur, j'avais lu avec délectation l'Introduction à l'histoire de la langue française. Un ouvrage savant truffé d'humour ...
Là, je retrouve mon âme enfantine car voici un merveilleux voyage dans la pensée d'une toute petite fille, au fil des souvenirs que nous aussi, avons enfouis au plus profond de nos circonvolutions cérébrales. Et il faut un extraordinaire talent de conteur pour retrouver les sensations, les angoisses, les rêves et les cauchemars de la petite Choune, qui vit dans un monde isolé, jusqu'ici préservé, au milieu d'une troupe d'enfants rieurs, taquins, blonds ou bruns de peau.
Son univers, c'est d'abord ce jardin sableux parcouru en profondeur d'un fin réseau de rigoles acheminées patiemment depuis le puits profond foré par son père, ce père sourcier et nourricier. Et puis il y a la mère, tendre, élégante, cultivée. Les nounous. La ferme, c'est un peu Malagar au milieu de la plaine de la Mekerra avec, tout autour de la maison des maîtres, celle des collaborateurs : la famille du gérant du domaine, les ouvriers agricoles, et puis tout près, les hectares de vignes. Chacun y tient son rôle, reste à sa place : la hiérarchie des « petits blancs » y fonctionne ici comme ailleurs. Mais pas pour les enfants. Choune apprend bientôt qu'elle a une petite sœur que l'on prénomme Ise, qui sera bientôt pour tout le monde La Cerise. Autour d'elles gravitent Mado, Néna, Adèle, Mouchka, Djibril, Yayia, Manolo, Farid, la famille Fabre qui méprise les Hernandez, qui se jugent supérieurs aux Bergasco, qui regardent de haut, naturellement, les Ben Mansour « malgré l'allure de seigneur du gardien ». Un certain équilibre que vient bousculer la guerre, au loin …
Choune grandit, elle apprend vite, entourée de mythes, elle écoute les contes de Mado qui invente pour elle le folklore et les légendes de cette terre à ses yeux sans passé. Choune se gave de lumière, du vent qui pousse les ronces, du frôlement des arbres, de l'image des pigeons-paons qui font la roue. J'ai découvert pour ma part la silhouette des casuarinas aux fines aiguilles retombant comme les plumes des casoars, des caroubiers. Ils m'ont ramenée à ma toute petite enfance, dans un grand jardin en friche, celui de mes grands-parents inconnus. Une envie irrésistible de retrouver ces sensations.
Une vision rêvée de la vie coloniale en Algérie ? Non, mais la poésie de la petite enfance entourée d'amour et de respect des uns et des autres, juste avant un premier bouleversement – la guerre de 40 – qui en déclenchera un autre, avant le grand exode.
Terre du vent, Une enfance dans une ferme algérienne 1939 – 1945, roman par Michèle Perret, édité par L'Harmattan, 170 p. 16€